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The New Sydney Fox
18 août 2009

Hors-sujet

TELE CREE-ALITE

 

Petite digression car pendant que je suis à Sydney, la planète n'a pas arrêté de tourner. Et elle ne tourne pas toujours très rond, d'ailleurs. Comme le prouve une information parue la semaine dernière, qui m'oblige à réagir même si ça n'a aucun rapport -et heureusement- avec l'Australie. Pour le coup, direction le Brésil, pays tellement occupé à émerger depuis cinquante ans qu'il a pas encore songé à sortir de l'eau.

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Hommage à tous ceux qui se demandent pourquoi LE Brésil est un pays masculin.

Bon, tout le monde aime bien le Brésil. Parce qu'il y a dans ce pays une délicieuse impression de n'importe quoi. De gens qui passent leur temps à jouer le meilleur football du monde, qui dansent ensuite à en perdre haleine dans les carnavals de Rio la salsa et la samba, qui ont des noms tellement compliqués qu'on les appelle que par leurs surnoms qui sentent bon le soleil. Tout  ça ne peut que plaire à tout le monde, évidemment. La preuve, même le Christ s'y est laissé tenter et passe son temps à la plage de Copacabana pour vous dire. Les Brésiliens sont tellement dans leur délire qu'ils vont jusqu'à parler portugais.

 

Oui, mais voilà, le n'importe quoi, ça n'a pas que des bons côtés. Notamment au niveau économique et politique. Le Brésil, c'est 80% des ressources dans les mains de 20% de la population. Le Brésil, c'est le pays où une centaine de députés change de parti pour rejoindre le vainqueur de l'élection. En France, les traîtres ont la décence d'attendre une place au gouvernement pour changer de camp. Très récemment, on a même vu ce que le n'importe quoi pouvait donner dans le monde des médias.

 

Wallace Souza est un homme qui a tout pour plaire. Déjà, il est né à Manaus, en pleine Amazonie. La même année que Gary Oldman et Michael Jackson. Ensuite, il a aucun lien de parenté avec Williamis Souza, pour ceux qui ont la malchance de le connaître. Plus important: Wallace Souza sait à peu près tout faire. Un mélange d'Olivier Marchal, de Benjamin Castaldi, et d'Eric Besson. Vous avez du mal à imaginer? Laissez tomber, c'est le charme du Brésil. Là où un ancien policier diplômé d'économie peut présenter une émission de télé pendant vingt ans, tout en étant député pour le Parti Libéral, puis pour le Parti Social Chrétien. Voilà pour ce qui concerne Souza, qui, et ce n'est pas sa moindre qualité, n'a en outre jamais joué au go.

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MARCHAL+CASTALDI+BOUTIN=WALLACE (le compte est bon).

Ce que Souza a compris avant tout le monde, c'est que les gens adorent le monde du crime. Si vous ne croyez pas, allumez votre télé pendant une journée, je suis prêt à parier que vous verrez au moins une cinquantaine de meurtres, voire une centaine si vous choisissez les bonnes chaînes. Une autre chose qu'il a aussi perçu, encore plus importante, c'est que l'image n'a de pouvoir que lorsqu'elle est vraie. Beaucoup de gens regardent paisiblement un film violent, même inspiré de faits réels, alors que les mêmes images dans la journal de 20 heures les feront tressaillir, trembler, réagir. D'un coup, ce ne sont plus des acteurs, mais des gens comme eux sur l'écran. Plus Brad Pitt, ou Tom Cruise, mais un type qu'ils ont peut-être croisé dans la rue avant de se mettre devant l'écran.  Et ca change tout.

 

Souza, ancien policier, profite donc de ses anciens réseaux pour lancer Canal Livre vers 1989. Le concept est simple. Filmer la guerre des gangs au sein de Manaus, pour de vrai. Même -Surtout- si cela vient mettre en péril l'enquête de la police. L'objectif de l'émission: arriver sur les scènes de meurtre avant les forces de l'ordre. Le public a le droit de savoir, la chaîne a le droit de faire de l'audience, et Souza a le droit de gagner de l'argent. Tout va bien, le cercle vertueux opère ainsi pendant vingt ans. Avec des moments cultes, comme cette fois où les caméras ont réussi à filmer un meurtre en direct. Pour le coup, rien que le concept me fait déjà flipper. Pas vous? Vous inquiétez pas, c'est pas fini.

 

http://www.youtube.com/watch?v=fUpdoJCaKbM&feature=PlayList&p=CBC0C85267E90DB4&playnext=1&playnext_from=PL&index=54

Une des plus grandes réussites de Souza: faire arriver un de ses journalistes devant un cadavre calciné qui fume encore...Commentaire de l'envoyé spécial: "It smells like a barbecue".

 

Évidemment, quand ils se sont rendus compte que Souza arrivait toujours avant eux, les policiers ont fini par se poser des questions. Les mauvais joueurs en sont même venus à se demander si en plus de ses fonctions de député, de journaliste, et d'ancien flic, Souza n'avait pas une quatrième profession: dealer de drogue. Ce qui a conduit à une enquête leur ayant permis d'épingler leur ancien collègue. Le cercle vertueux décrit ci-dessus l'était en fait plus qu'on le pensait. Souza, trafiquant, éliminait ses concurrents en embauchant des tueurs à gages, que ses caméras filmaient en pleine action, ce qui lui permettait d'avoir une bonne image et d'être réélu député ad aeternam. Pour la petite histoire, son mandat de député le rend bien entendu intouchable pour le moment. Ce serait trop facile, sinon.

 

La fascination pour le crime et la violence ne date pas d'hier. On peut imaginer que si les sacrifices humains avaient tant de succès à une époque, c'est peut-être aussi parce qu'ils étaient publics. Il en va presque de la même logique pour Souza. Celui-ci tuait les criminels pour son propre intérêt, mais imaginez s'il avait indiqué le faire pour le bien de la société, presque comme les sacrifices précités. Aurait-on pu alors justifier la chose? Un meurtre faisant un double bien à la société: en la débarrassant d'un gêneur, et en satisfaisant sa soif de violence et de sensationnel. Qui y trouverait à redire?

 

On peut toujours se dire qu'au moins, les gens qui étaient devant Canal Livre ne commettaient pas de délit par ailleurs, dans un contexte très violent. La force de l'image réelle, cependant, est dangereuse. Cette soif de vraie violence, quand tant de fictions traient le sujet avec maestria, donne forcément envie à certains de la créer pour réussir. Les gens qui se délectaient de son émission ne sont pas coupables des meurtres, évidemment, mais ont au moins une part de responsabilité.

 

Le problème avec les journalistes d'aujourd'hui, c'est qu'ils ont tellement voulu le travail des autres qu'ils ont fini par arrêter de faire le leur. A vouloir être politiciens, policiers, agents des chanteurs, impresarios des acteurs, ils ont oublié que pour pouvoir réellement traiter l'information, il faut être en retrait, et ne surtout pas en être à l'origine.

 

C'est dommage.

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Wallace Souza, indigné par ces propos, crie bien entendu au complot. Il est difficile de lui donner tort. On voit bien ici que quelqu'un lui a dérobé volontairement son rasoir avant que l'affaire éclate.

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Commentaires
F
Mais quand tu m'offriras un poste très chère Mlle Sorignet!
L
Si le mot maestria doit s'employer, c'est sans conteste à la façon dont cet article est rédigé.<br /> On le sent plus sombre, plus amer que le reste de ce blog.<br /> <br /> Un mot un seul : BRAVO !
A
Et alors, à quand le journalisme Monsieur Delva ?
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